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  • Photo du rédacteurMarie Bartoleschi

Sous les plumes et les paillettes


J’ai eu la chance d’assister au cours de cabaret de Betty Crispy et d’y rencontrer des femmes hautes en couleurs qui affirment leur féminité. Et un jour, j’ai été touchée de découvrir l’histoire douloureuse de Betty qui se cachait derrière les plumes et les paillettes. J’ai été émue par son chemin de reconstruction et de mise en lumière qu’elle a accepté de nous livrer.




Qui se cache derrière le personnage de Betty Crispy ?


Céline se cache derrière Betty! Au sens premier comme au sens figuré. J’ai créé ce personnage il y a une dizaine d’années, pour avancer dans la vie. Céline était très réservée. J’étais une adolescence mal dans sa peau, qui se cachait derrière de longs pulls XXL à cause d’une poitrine trop développée. J’étais passionnée par les arts, le design et bien sur la danse que je pratique depuis mes six ans. Betty est née après de longues études d’arts appliqués. Titulaire d’un doctorat en design industriel, j’ai été professeure de design dans le supérieur, conférencière dans les écoles polytechniques de France, et décoratrice dans une prestigieuse galerie d’art et de design de Bordeaux pendant quatre ans et durant mes études. Cette double personnalité fait de moi peut être la seule effeuilleuse burlesque titulaire d'un bac + 8 !! 


Quel chemin t'a mené à tout quitter pour ouvrir ton école ? 


J’ai quitté mon travail de conférencière et professeure de design tout d’abord pour devenir danseuse de cabaret en 2006. L’école n’a été ouverte qu’en 2015, neuf ans après. J’ai quitté ma première vie professionnelle quand j’ai réalisé à quel point la vie ne tenait qu’à un fil. Le changement a été très brutal. Ma maman est décédée des suites d’un cancer en 2005. Un électrochoc qui m’a fait réaliser que je devais m’accomplir sans plus tarder, que je devais changer de vie et retrouver ma première passion : la danse, une passion que je partageais avec ma mère depuis mon plus jeune âge. 


Dans ton école, tu accompagnes des femmes à se connecter avec leur féminité. Pourquoi est-ce si important pour toi ? 


Après de longues années en tant que danseuse de cabaret professionnelle, il m’est apparu évident de partager cela avec d’autres femmes, toutes les femmes. Le cabaret et l’effeuillage burlesque m’ont fait du bien dans ma vie. Je me suis dit que ça pouvait surement aider d’autres femmes à reprendre corps avec leur corps, à laisser s’exprimer leur féminité, à mettre de côté la working girl, la mère ou la femme au foyer, pour libérer la femme sexy voire fatale. 



Sous les plumes et les paillettes, se cache aussi un événement difficile lié à la féminité que tu as choisi d'exposer au public lors d'une conférence. Veux-tu bien m'en parler ? 



Le début de ma carrière en tant que danseuse professionnelle a été marqué par un événement terrible. Un homme d’un certain âge, puissant homme d’affaires de Bordeaux et client régulier de la galerie de design où je travaillais, a décidé que je devais devenir sienne. Je le renseignais régulièrement à la galerie depuis environs quatre ans. Il connaissait mon cursus universitaire et m’avait proposé de devenir gérante de sa prochaine grande galerie bordelaise. Les démarches administratives étaient faites, mon contrat signé et sa galerie devait ouvrir un an ou deux après les travaux. Le temps pour moi de réaliser mon rêve de danseuse professionnelle. J’avais compris qu’il avait des vues sur moi. Je refusais poliment ses avances discrètes. Je lui avais même présenté mon copain de l’époque, histoire de clore ce jeu de séduction. Mais lors d’un des rendez-vous de préparation à la galerie, dans son bureau et à quelques jours de mon anniversaire, il a profité de l’occasion de fêter ça avec quelques coupes de champagne pour me droguer et me violer. Les analyses ont révélé qu’il avait ajouté une dose très forte de somnifère, qui aurait pu me tuer. Une telle dose que je suis amnésique de cette nuit-là. Cependant, les blessures que j’avais partout sur le corps et ses propos confus au réveil m’ont fait aller porter plainte. Cela a été six longues années de procédure judiciaire, condamné en première instance à six ans d’emprisonnement pour agression sexuelle et non pour viol. Finalement en appel, la peine s’est transformée en deux ans de prison ferme. Prise dans un tourbillon judiciaire sans fin et sordide, face à un homme si puissant et influent, c’était un peu le procès de David contre Goliath. Je me suis retrouvée seule face à mes peurs, à mon amnésie, au sentiment d’injustice et de trahison. 

Mais de cette épreuve est née Betty. Je suis passée par une lourde dépression. Le cabaret était la seule chose qui me permettait de ne pas sombrer. Il mettait des paillettes dans ma vie et gardait mon corps en vie. Cependant, je suis passée par deux terribles années de boulimie et anorexie. J’ai pris huit kilos, ce qui, dans mon métier de danseuse, est une véritable catastrophe. Cela m’a été lourdement reproché, ce qui est normal, car dans ce métier, le poids fait quelque part partie de notre contrat. Alors je sais ce que c’est de se sentir grosse. J’en ai terriblement souffert. En 2010, j’ai découvert le film Tournée, de Mathieu Amalric et cette troupe d’effeuilleuses burlesques américaines, sortes de pétroleuses. Dont Dirty Martini et ses 110 kilos de beauté et de charisme. J’ai compris que j’allais petit à petit quitter le monde du cabaret pour le burlesque. Et bizarrement, c’est quand j’ai eu ce « poids » de la ligne à tenir, que j’ai commencé à naturellement à perdre du poids et retrouver un équilibre alimentaire. Voilà pourquoi j’ai compris que le burlesque pouvait aider les femmes, puisqu’il m’avait en quelque sorte sauvé. 


Aujourd'hui quel message veux-tu faire passer ? Qu'est-ce qui t'anime ? 


Working girl, maman, femme au foyer, épouse, être une femme c’est souvent être multiple. Nous n’avons pas toujours le temps de prendre soi de nous, de nous pomponner. Or, se sentir belle, ce n’est pas forcément séduire l’autre, mais déjà se séduire soi-même ; juste se redresser, se mettre en valeur, accepter ses rondeurs en les montrant, accepter le miroir, relever des défis et reprendre confiance en soi tout en douceur. La danse cabaret ou l’effeuillage est une des méthodes reconnues pour reprendre soin de soi, laisser exprimer sa féminité. Nous n’avons qu’un seul corps, autant l’aimer, avec tous ses défauts. 

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